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La saisie immobilière à l’épreuve du surendettement d’un copropriétaire ou du débiteur cautionné

En cas de saisie immobilière pratiquée à l’encontre de ses biens, il n’est pas rare de voir le débiteur aux abois saisir la BANQUE DE FRANCE d’une demande d’ouverture d’une procédure de surendettement.

 La recevabilité d’un dossier de surendettement pourra alors avoir un impact sur la procédure de vente forcée du bien, selon la date à laquelle le dossier est déclaré recevable et selon la nature du lien entre les copropriétaires.

 La caution in bonis du débiteur pourra de prime abord faire espérer au créancier une solution solvable, toutefois la pratique des commissions de surendettement conduit souvent à réserver à la caution le même traitement qu’au débiteur principal.

 

I. Saisie immobilière et surendettement d’un copropriétaire

A/ L’incidence de la date de recevabilité du dossier de surendettement

Tant que la vente forcée du bien n’a pas été ordonnée par le Juge de l’exécution, la procédure de saisie immobilière peut être suspendue, et ce, avant même que le dossier de surendettement ait été déclaré recevable.
Le débiteur doit alors demander à la Commission de surendettement de saisir le Juge d’instance à cette fin.

 Dès lors en revanche que le dossier de surendettement a été déclaré recevable, la suspension est automatique.

 Toutefois, lorsque la vente forcée a été ordonnée, le Code des procédures civiles d’exécution prévoit la possibilité pour la Commission de surendettement de solliciter le report de l’adjudication, pour causes graves et dûment justifiées.

 Cette demande aura pour objet de permettre à la Commission de surendettement de faire adopter des mesures globales de désendettement du débiteur.

 Le juge de l’exécution chargé de statuer sur la saisie ne pourra se prononcer qu’au terme d’un jugement motivé.

 La suspension durera soit jusqu’à l’approbation du plan conventionnel de redressement, soit jusqu’au jugement d’ouverture d’une procédure de rétablissement personnel avec ou sans liquidation judiciaire, soit encore jusqu’à ce que le juge prenne certaines mesures énumérées par la loi.
En tout état de cause, la suspension ne pourra, dans cette hypothèse, dépasser un délai de deux ans (art. R. 722-5 du Code de la consommation).

 L’attention du créancier sera attirée sur le délai d’appel extrêmement bref (15 jours) dans lequel est enfermée la contestation de la décision.

 

B/ L’incidence du lien entre les copropriétaires

 Le sort de la saisie immobilière en cas de surendettement est également tributaire du lien qui unit les copropriétaires.

 1°) Bien soumis au régime de l’indivision

 Dans le cas d’un bien soumis au régime de l’indivision (régime séparatiste ou coïndivisaires dans le cas de concubins par exemple), le dépôt d’une demande de surendettement par l’un n’empêche pas la poursuite de la saisie à l’égard de l’autre.
Ce point a été expressément tranché par la Cour de cassation dans un arrêt du 3 septembre 2015 :

 « Attendu, selon le jugement attaqué (tribunal de grande instance de Toulon, 12 juin 2014), rendu en dernier ressort, que, sur des poursuites de saisie immobilière engagées par la société le Crédit foncier de France (la banque) à l'encontre de M. X... et de Mme Y..., un jugement a autorisé la vente amiable du bien indivis faisant l’objet de la procédure ;

 Attendu que M. X... s'est pourvu en cassation contre le jugement du juge de l'exécution qui a ordonné la reprise de la procédure et la vente forcée du bien ;

 Mais attendu que le jugement, qui s'est borné à ordonner la poursuite de la procédure d'exécution, n'a pas tranché une partie du principal ni mis fin à l'instance ;

 Et attendu que le juge de l'exécution n'a pas excédé ses pouvoirs en retenant, pour ordonner la poursuite de cette procédure, que la dette dont le recouvrement était recherché par la banque était une dette solidaire qui engageait les biens acquis en commun par les débiteurs, coïndivisaires, de sorte que Mme Y... n'ayant pas elle-même été déclarée en situation de surendettement, la procédure de saisie immobilière ne pouvait être suspendue à son égard » (Cour de cassation, civile, Chambre civile 2, 3 septembre 2015, 14-21.911).

2°) Bien soumis au régime de la communauté

 La solution est moins évidente dans le cas d’un bien appartenant à des débiteurs mariés sous le régime de la communauté.
En effet, la Cour de cassation ne s’est pas prononcée sur la question (hypothèse rare où un seul époux marié en communauté est déclaré recevable au surendettement).

 La Cour d’appel de RIOM, dans un arrêt rendu le 17 juillet 2017, a semblé fournir la solution en jugeant que dans un tel cas, la suspension de la vente forcée devait être prononcée :

 « Attendu qu'aux termes de l'article L.722-2 du code de la consommation, la recevabilité de la demande emporte suspension et interdiction des procédures d'exécution diligentées à l'encontre des biens du débiteur ainsi que des cessions de rémunération consenties par celui-ci et portant sur les dettes autres qu'alimentaires' ;

 Attendu que M. M. a déposé un nouveau dossier de surendettement le 1er février 2016 ; que la commission a déclaré recevable son dossier par décision du 10 mars 2016 ; que selon courrier de cette commission en date du 9 décembre 2016, le plan conventionnel proposé a été accepté par ses créanciers ; qu'il estime que la procédure doit être suspendue pendant la durée du plan ;

 Que la société Crédit Immobilier de France Développement fait valoir qu'elle poursuit la procédure de saisie immobilière pour une dette commune des époux sur un bien commun de ceux-ci et que seul M. M. ayant déposé un dossier de surendettement, la procédure ne peut être suspendue ;

 Mais attendu qu'il résulte de la combinaison des articles 1413 du Code civil et L. 722-2 du code de la consommation précité que si la procédure de surendettement ne modifie pas les droits que les créanciers du conjoint tiennent du régime matrimonial, l'arrêt de la procédure d'exécution à l'encontre de l'autre conjoint doit les interdire d'exercer des poursuites sur les biens communs en dehors des cas où les créanciers du débiteur soumis à cette procédure peuvent eux-mêmes agir ; que ce principe est d'ailleurs assimilable à celui appliqué en matière de procédures collectives ou encore à celui applicable aux rapatriés ;

 Que la poursuite de la procédure de saisie immobilière sur un bien de communauté conduirait à priver de leur portée les dispositions de l'article L. 722-2 à l'égard de l'époux marié sous le régime de la communauté, dès lors que son conjoint ne peut ou refuse de bénéficier de la procédure de surendettement. » (Cour d'appel, Riom, 1re chambre civile, 17 Juillet 2017 – n° 17/01298).

 

II. Saisie immobilière et surendettement d’un débiteur cautionné

La caution n’est pas touchée par la procédure de surendettement qui affecte le débiteur principal. Elle peut donc être poursuivie sans difficulté dès lors qu’elle n’a pas elle-même déposé un dossier de surendettement.
Les mesures consenties dans le plan conventionnel ne constituent pas, eu égard à leur finalité, une remise de dette au sens de l’article 1350-2 du Code civil, de sorte qu’elles ne bénéficient pas à la caution.

 Si la Commission de surendettement peut prévoir que les aménagements apportés à la situation du débiteur bénéficieront également à la caution, cette mesure ne peut de plein droit être opposée aux créanciers concernés ; en effet, les recommandations de la Commission ne constituent pas une novation, mais une nouvelle modalité d’exécution de l’obligation du débiteur principal, que la caution ne peut opposer au créancier (TI Pontarlier, 12 mars 1996).

 Ainsi, la mesure de réduction du solde du prêt immobilier restant dû à l’établissement de crédit après la vente du logement principal du débiteur surendetté ne s’applique pas à la créance de la caution qui a payé la dette de ce débiteur. Par suite, doit être cassé l’arrêt qui ordonna la remise totale de la dette d’un débiteur surendetté à l’égard de la caution qui a acquitté la dette.

 Cette affirmation de principe doit toutefois être nuancée.
En effet si aucun texte ne l’impose, dans la pratique les plans prévoient de manière quasi systématique que les cautions et coobligés ne pourront faire l’objet de poursuites durant toute la durée du plan.
Le créancier dispose d’un délai de 30 jours pour contester la proposition de plan, étant précisé qu’à défaut de réponse, il est réputé avoir accepté le plan en l’état (art. L. 732-3 et D. 732-3 du Code de la consommation).

Doté d’un pôle spécialisé en saisie immobilière, le cabinet AGIS vous accompagne dans vos démarches.